Chronique historique de la Société historique Michel Prévost
Jos Montferrand : figure légendaire désignée personnage historique
Joseph (Jos) Montferrand vient d’être désigné comme personnage historique par le ministre de la Culture et des Communications du Québec, Mathieu Lacombe. Comme la Vallée-de-la-Gatineau a le privilège d’être associée à cette grande figure légendaire du Canada français, nous vous présentons à nouveau le portrait de ce géant plus grand que nature.
-Par Michel Prévost, D.U., président de la Société d’histoire de l’Outaouais
Bien que l’homme fort ne soit pas originaire de l’Outaouais, il y passe une trentaine d’années. Il est attiré par l’industrie forestière, le moteur économique de la région au 19e siècle et au début du 20e siècle. D’ailleurs, c’est ici que Montferrand entre dans la légende, puisqu’il est impossible de savoir lesquels de ses exploits relèvent de l’histoire ou du folklore.
Joseph Montferrand naît à Montréal en 1802. Ses exploits commencent en 1818 lorsqu’il chasse trois fiers-à-bras qui terrorisent son quartier. Dès lors, on le surnomme « le coq du faubourg Saint-Laurent ». Il faut dire qu’avec son 1,93 m, le géant ne s’en laisse pas imposer.
En 1821, il suit les traces de son père comme voyageur et s’engage à la Compagnie de la Baie d’Hudson. Selon l’ancien président de la Société d’histoire de la Vallée-de-la-Gatineau, Louis-André Hubert, Montferrand fait partie de l’expédition sur le futur site de Maniwaki pour ériger le fort de la rivière Désert, un poste de traite des fourrures.
À partir de 1827, Montferrand commence à parcourir les chantiers de l’Outaouais et de la Gatineau, où il est tour à tour, bûcheron, draveur, contremaître de chantier et maître de cages.
Ses exploits
Montferrand aime sa vie errante qui l’amène dans les chantiers et les tavernes où règne la loi du plus fort et où les costauds de chaque groupe ethnique doivent défendre l’honneur des leurs. Ces affrontements mettent en valeur la force, l’habileté et le courage, trois attributs que le géant possède plus que tout autre.
Le père J.-É. Chouinard, un oblat de la région de Maniwaki, en témoigne dans ses Mémoires : « Chaque chantier regroupait de 70 à 100 bûcherons. On s’y trouvait dans un paradis d’hommes forts dont les exploits, véridiques ou imaginaires, étaient racontés par tous un chacun. La force physique phénoménale primait sur tout et faisait l’objet de beaucoup de discussions, de palabres et de paris. »
On ne compte plus les exploits réels ou imaginaires de Montferrand. De tous ses hauts faits, le plus extraordinaire demeure sa célèbre bataille de 1829 sur le pont Union, aujourd’hui des Chaudières. Ce pont entre Bytown et Wrightown est le théâtre d’un conflit qui oppose des fiers-à-bras irlandais, les Shiners, aux Canadiens français. Les deux groupes ethniques se disputent les emplois dans l’industrie forestière.
C’est là que le chef des Canadiens français tombe dans une embuscade et aurait mis en déroute plus de 150 Shiners. Selon le récit de son biographe, Benjamin Sulte : « La scène était horrible. Le sang coulait du parapet dans la rivière. Montferrand venait de passer le pont comme il passait partout en vainqueur. »
Après 1840, les exploits de l’homme fort se font plus rares. Il ne parcourt plus les chantiers, mais dirige les cages de bois équarri jusqu’à Québec.
Affaibli par le rhumatisme, le maître de cages se retire en 1857 à Montréal où il meurt en 1864, à l’âge de 61 ans. Veuf de Marie-Anne Trépanier et remarié depuis peu à Esther Bertrand, il laisse un fils posthume, Louis, qui sera le père de plusieurs enfants.
La légende
Jos Montferrand entre dans la légende avant sa mort. Après la tradition orale, des écrits contribuent à grandir ses prouesses et plusieurs vont l’immortaliser, notamment Wilfrid Laurier par les journaux et Gilles Vigneault par la chanson. En 1992, Postes Canada immortalise l’image du plus célèbre bûcheron du pays. De plus, plusieurs toponymes au Québec rappellent sa mémoire, mais il n’y en a aucun dans la Vallée-de-la-Gatineau. Maintenant qu’il est désigné personnage historique par Québec, il faudrait bien mettre fin à cette lacune.
Voir Michel Prévost, « Jos Montferrand, figure légendaire de l’Outaouais » dans l’Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française : http://www.ameriquefrancaise.org/fr/article-670/Jos_Montferrand,_figure_l%C3%A9gendaire_de_l%E2%80%99Outaouais.html#.YCM-suhKiUk
Portrait de Jos Montferrand.
BAnQ 52327/2 072 647
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