Aveu d’une enseignante gréviste la pêchoise : « j’ai atteint mon point de rupture »
Jennifer Bardell, dont la famille vit depuis 6 générations à Wakefield, enseigne au primaire à Chelsea. Elle se désespère du dialogue de sourd avec le gouvernement. La quadragénaire perçoit cette grève tel un sacrifice nécessaire bien qu'elle envisage de continuer sa carrière en Ontario.
Vous vivez un dilemme entre votre soutien à la grève et sa conséquence : une perte d’argent.
Mon mari et moi sommes tous deux enseignants au Québec, donc cette situation nous affecte profondément. Même si j’appuie sans réserve cette grève, cela a un impact sur nos vies à nous qui contribuons de manière significative à la société.
Faire grève n’est pas quelque chose que nous voulons. Nous faisons grève pour que vos enfants aient accès à des enseignants qualifiés et compétents.
Vous lorgnez du côté de l’Ontario où le sort des enseignants paraît plus enviable.
Au Québec, […] un enseignant, en début de carrière, gagnerait environ 46 000 $ par an, tandis qu’un enseignant, avec l’échelon le plus élevé, gagnerait environ 91 000 $ par an.
En Ontario, les enseignants commencent avec un salaire similaire mais peuvent atteindre jusqu’à 102 000 $ en dix ans.
Par ailleurs, les enseignants ontariens bénéficient d’avantages sociaux plus intéressants. Ces avantages sont l’une des raisons pour lesquelles les enseignants se rendent en Ontario pour travailler. Je ne serais certainement pas la première à envisager cela, ni la dernière.
Le système ontarien n’est pas parfait. Il y a des problèmes avec des classes surchargées mais, dans l’ensemble, il semble que les enseignants de l’Ontario soient plus respectés qu’au Québec.
Votre choix de partir est donc fait.
J’ai atteint mon point de rupture. À ce stade, il est difficile d’imaginer que je puisse rester. Si le gouvernement ne parvient pas à augmenter les salaires et à améliorer les conditions de travail, la pénurie d’enseignants s’aggravera sûrement. La conséquence sera davantage d’éducateurs non qualifiés dans les classes de nos enfants. Je plaide plus en tant que parent qu’en tant qu’enseignante.
Des collègues ont déjà fait ce choix de partir ou de changer de métier.
Plusieurs. Des gens compétents et qualifiés. La personne la plus marquante était une jeune professeure de français pleine d’enthousiasme. Elle avait pris un congé de son poste au fédéral pour poursuivre cette passion de l’enseignement.
Je me souviens de son premier chèque. Elle m’a dit « je viens de gagner 800 $ pour deux semaines de travail. Je n’ai pas les moyens d’être enseignante ». Elle a vite repris son travail au service fédéral.
L’inflation associée aux salaires que vous jugez insuffisants fragilise certains profils.
En effet. Les familles monoparentales ont du mal à joindre les deux bouts. Certaines sont accablées par les dettes et sur le point de perdre leur maison ou leur véhicule.
Le gouvernement nous propose une augmentation des salaires qui sera bien inférieure au taux d’inflation projeté. Cela diminuera progressivement notre pouvoir d’achat au cours des cinq prochaines années. Cette proposition est non seulement insultante, mais aussi démoralisante.
Votre expérience à l’étranger vous a enrichie et affiné votre analyse des enjeux actuels.
J’ai enseigné en Colombie. Mes élèves n’avaient pas tous les mêmes capacités mais ils bénéficiaient d’un personnel de soutien engagé dans la réussite scolaire. C’était un environnement inspirant ! C’est peut-être cette expérience qui m’a éclairée sur la priorité à l’investissement dans l’éducation.
Chez nous, même si l’école privée demeure fatalement mieux financée, […] je crois en une éducation publique de qualité, mais, pour ce faire, nous avons besoin d’un gouvernement suffisamment courageux et pas seulement en période électorale.
Toutefois, la majorité des enfants des politiciens fréquente les écoles privées subventionnées par le gouvernement. Cela fait examiner le peu d’intérêt d’investir dans le système public sous un autre angle…
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